L’orage ensevelissait la lune et la campagne environnante. La pluie bombardait la vieille maison de pierre dont les épais murs n’étaient pas de trop pour faire face à ces assauts.

Eugène crut d’abord à un nouveau coup de tonnerre. Mais d’autres sons suivirent. Puis on frappa à sa porte. Un livre à la main, prêt à s’en servir pour se défendre, il s’avança jusqu’à la poignée. À peine la porte ouverte, une silhouette s’effondra dans son salon, vêtu d’une combinaison percée de tuyaux et se terminant sur un casque allongé. Eugène était trop surpris pour réagir. L’homme se redressa, retira son casque et demanda à boire dans un râlement.

Eugène l’installa dans le canapé. L’intrus ne cessait de maugréer contre des problèmes techniques, un défaut d’un système d’orientation. Le tout laissant son interlocuteur dans le doute sur la santé mentale de son invité et la manière dont celui-ci se retrouvait là.

Regagnant progressivement son calme, l’étranger remercia son hôte et s’excusa d’avoir débarqué à l’improviste. Il expliqua être un voyageur du cosmos, revenu pour un ravitaillement. Plus de doute, la santé mentale était atteinte.

Mais le visiteur continuait à vanter ses découvertes. La force gravitationnelle étant extrêmement faible par rapport au magnétisme, celui-ci permettait de s’extirper de l’attraction terrestre. En opposant les mêmes pôles de deux aimants, on pouvait en projeter un en l’air. Puis, en inversant les polarités, l’aimant projeté pouvait attirer l’autre, rattaché à un vaisseau de transport. Et ainsi de suite, pour voyager dans l’univers.

L’étranger expliqua que ses essais avaient finalement aboutis. Il s’était envolé dans les cieux. Une fois le soleil atteint, il s’était posé à sa surface pour étudier le milieu.

Cette idée fit rire Eugène, mais son invité le gronda d’un froncement de sourcil, lui expliquant que, de la même manière que nous voyions toujours la même face de la lune, seul un côté du soleil était visible durant la journée. L’autre n’était pas en feu. Certes, chaud, mais rien d’insupportable avec une bonne protection. Il parlait de la beauté de cette demi-sphère comme il aurait vanté le charme d’une peau féminine.

Soudain, l’étranger s’arrêta. Il décréta qu’il devait se reposer, car il repartait bientôt pour Saturne. Il fallait profiter de la vie pour découvrir le plus de choses possibles. Il congédia son hôte dans sa chambre pour se réserver le canapé.

Le lendemain matin, le voyageur avait disparu. Eugène passa la journée à le rechercher. Il ne comprenait toujours pas bien ce qui s’était produit durant la nuit.

Le soir, frigorifié, il alla se blottir auprès de la cheminée. Par la fenêtre, il contempla le ciel orangé, qu’il admirait toujours intensément, ne se lassant jamais de découvrir de nouveaux reflets, rayons et jeux de nuages. Il aimait ce tableau vivant. Il lui sembla un instant voir comme une ombre passer devant le soleil et s’enfuir au loin.