Le responsable des ressources humaines examinait le dossier en faisant une moue. Il ignorait par où commencer l’entretien. Son interlocuteur finit par demander s’il y avait un problème. Le supérieur soupira.

– Au vu de la spécialisation de notre société de conseil, nous acceptons les profils originaux.

La société en question aidait en effet les criminels à commettre et dissimuler leurs méfaits.

– Toutefois, continua le responsable, vos propositions pour nos clients ne rencontrent pas un franc succès.

– Pourtant je prends toujours le plus grand soin à les développer.

– Sur ce point, je vous crois. Mais nos clients recherchent avant tout l’efficacité.

L’employé eut un geste de dédain.

– L’efficacité, pesta-t-il, pourquoi pas l’efficience tant qu’on y est ! Les criminels ne font plus attention à l’esthétisme.

– Dans notre branche, l’aspect esthétique n’est pas vraiment central.

– Et pourquoi pas ? Les clients pensent toujours au résultat des crimes commis – un sac d’argent, un gêneur en moins,… tout cela est nécessaire, mais il faut aimer le travail bien fait ! Prendre soin de la mise en œuvre, donner à ces bas instincts une tournure plus noble !

– Cela nécessite-t-il d’envoyer des fleurs aux policiers qui arrêtent un criminel ? Comprenez que nos clients se posent des questions.

– Être adversaires n’empêche pas la courtoisie et la reconnaissance des succès. Sans eux, notre travail serait moins palpitant.

– C’est pour cela que vous envoyez des indices à la police ?

– Tous les grands criminels de la littérature le font, nos clients méritent le même traitement.

– Malgré vos efforts, notre marché ne sera jamais à la hauteur de vos rêves artistiques.

– Ce genre de raisonnements justifie toutes les renonciations, le moindre effort. Au contraire, l’art peut naître n’importe où ! Il faut toujours aller au-delà du basique ! Parfois, on peut même hisser les choses les plus triviales aux sommets de la poésie !

– Certains sujets en sont trop éloignés. Et vous exagérez. Lors de vols ou d’enlèvements vous rédigez les répliques pour les clients.

– Cela évite les hésitations.

– Mais faut-il vraiment les écrire en vers ? Surtout que vous engueulez ceux qui ne les récitent pas correctement.

– Le respect pour le travail effectué me semble être un minimum.

– Lors de meurtres, vous enduisez les corps de plâtre pour former des statues et recréer des tableaux célèbres.

– Les criminels négligent trop les scènes de crimes. La plupart n’ont aucune notion du travail soigné, du beau. Ils laissent les corps en place, sans rien toucher, au milieu d’un appartement en désordre, voire même en pleine rue ! Vous vous rendez compte ! Ils poignardent au hasard, sans aucune conscience du dessin que tracera la coulée de sang. Pire, certains osent même se servir d’une arme à feu ! Quel manque de goût. Les victimes méritent mieux.

– Cela suffit ! Vos grandes idées nous font perdre trop d’argent ! Nos comptes ne se remplissent pas avec des envolées lyriques.

– La beauté du geste délaissée pour de basses considérations… Il ne faut pas s’étonner que notre milieu ait mauvaise réputation.