Mon crâne se contracte. Mes paupières veulent rester affaissées. Une lumière incandescente m’agresse la rétine. Plus je reprends conscience et plus je me rends compte que ce n’est pas ma tête qui me fait souffrir, mais mon corps tout entier.
Mes yeux s’habituent progressivement à la lumière. La pièce est éclairée par une vieille ampoule à deux doigts du pétage de plombs, mais elle me semblait un véritable soleil. La salle est dépourvue de meubles et de fenêtres, du carrelage recouvre ses parois. Qu’est-ce que je fais ici ? Ma mémoire s’est faite aspirée dans un trou noir. J’inspecte mon corps. Je suis en tenue d’hôpital. Qui m’a mis dans cet état ?
Des bribes de souvenirs remontent à la surface par intermittence. Des formes prennent vie. Soudain une image : un homme imposant, en costard noir, une seringue à la main, un étrange appareil informatique greffé sur le côté de la tête. Qui est-ce ? Que m’a-t-il fait ? Son appareil m’interpelle, à quoi sert-il ? Ai-je été drogué, ou s’agit-il d’autre chose ?
Mon cœur accélère. Je profite de cette énergie pour me hisser sur mes pieds. Je gis au bas d’un escalier, comme projeté là pour être oublié. J’agrippe la rampe et me traîne à son sommet : un entrepôt désaffecté. De larges poutres d’acier s’élancent vers un plafond perdu dans l’obscurité. Personne en vue. Je déambule péniblement, ressentant chaque contraction de mes muscles.
Je cherche à compléter le souvenir de l’homme en costard. Des lambeaux de phrases me parviennent des limbes de mon esprit : « nouveau produit », « ne s’en remettra pas », « on va le tester sur toi »… De quoi parlait-il ? Que m’a-t-on injecté ? Qu’a-t-il expérimenté sur moi ? Quel est le rapport avec cet étrange appareil scientifique ?
Soudain, des raies de lumière dessinant les contours d’une porte. Je me précipite, m’effondre à deux reprises sur des obstacles invisibles, mais je touche enfin l’acier froid. Je pousse avec peine la lourde porte métallique. Me voilà dans la rue. Des bruits de verre cassé. D’où viennent-ils ?
– T’es là toi ?! hurle une voix dans ma nuque.
Le temps de me retourner et me voilà face à un homme, costard noir, quelques bandes d’aluminium pendant à l’oreille.
– Toi, t’as besoin d’une nouvelle dose, affirme-t-il en sortant une large seringue.
Je veux protester, mais le liquide est projeté dans ma gorge. Je m’écroule en crachant.
– T’as pas l’air en forme, dit-il dans un éclat de rire. C’était une belle soirée en tout cas, à une prochaine !
L’homme au costard part en zigzaguant d’un bord de la rue à l’autre et rejoint un malade au bandage fuyant ainsi qu’un médecin de peste au nez cassé. Un goût de vodka frelatée me reste dans la bouche. Tout cela pour une simple beuverie ? Au moins mes divagations imaginaires étaient moins médiocres…