J’avais imaginé le temps nécessaire afin d’en finir avec l’ensemble de son corps, mais ses jambes m’ont déjà pris des plombes. C’est impressionnant de se rendre compte de la complexité des liaisons entre les os, les tendons, les veines… Cela demande des efforts immenses. L’étape difficile n’est pas de l’occire, mais bien de faire disparaître les restes. J’étais bien naïf de penser le contraire. Les assassins de carrière faisant disparaître les victimes doivent être sacrément malins. Enfin, la répétition doit forcer à s’améliorer. On n’imagine pas assez les tracasseries des petits assassins, se livrant à l’homicide en dilettantes. Apprendre par soi-même demande davantage d’efforts.
Après les jambes, j’essaye de faire de même avec les bras : viser les charnières afin de ne pas devoir casser les os immédiatement. J’ai moyennement brillé dans mes tentatives contre les liens jambes-tronc. Elles sont restées à moitié accrochées pendant longtemps. Trop de liaisons. J’ai également essayé de détacher la tête, mais la colonne résiste. En même temps, les accessoires de l’appartement servent à préparer des mets moins gros. Je devrai passer à la cave prendre la hache. Et encore le tronc, les organes… C’est crevant cette histoire.
Je dois prendre le temps de respirer. Ça fait déjà cinq plombes. Les bâches semblent avoir résisté, le tapis sera épargné. Par chance, notre corps contient cinq litres de sang, pas davantage. Par contre, avec les parties solides, je n’en finirai jamais.
Il m’emmerde même après sa mort. C’est le genre d’exploit à sa portée, mais l’atteindre à ce point… J’en deviens impressionné. L’art de me faire chier restera sa spécialité incontestée. Il était impossible, le pire colocataire de l’histoire ! Même sa façon de parler donnait envie de cimenter sa mâchoire. Et ce avant même de connaître le fond de sa conversation. Cette dernière invitant à ne pas s’arrêter à la mâchoire, mais à englober la cervelle. Je m’étonne encore d’avoir résisté si longtemps. Probablement le temps nécessaire afin d’accepter de simplement s’en remettre à ce poison : trop rapide, pas le temps de profiter de l’agonie.
Avec cette histoire, je n’ai pas fait attention et le soir est en train de se pointer. Demain je dois rencontrer la première personne à m’avoir appelé, rapport à l’annonce à propos de la place se libérant dans l’appartement. Je m’y étais pris à l’avance. Le loyer à payer est constant comme l’idiotie de mon ancien parasite de mansarde. Mais le corps sera encore en partie là demain. Comment faire ? Ce n’est pas très discret… J’y pense ! Il doit arriver à peine avant le repas. Ça demande de faire des parties assez petites, mais j’ai mon hachoir. Le hachis parmentier ne sera-t-il pas parfait dans ce cadre ?
Texte écrit sans la lettre « u », sur le thème « Une gueule de vermicelles pour colocataire » pour les Dissidents de la pleine lune.