La sueur perlait le long des fronts. Le soleil se frayait un chemin à travers les ramures trop rares. Les sacs étaient maintenus avec peine sur les épaules fatiguées.
– C’est débile, lâcha Marie.
– On aurait dû aider Gérard ! renchérit Marc.
– Arrêtez de vous plaindre, ça ne sert à rien. Comme lui d’ailleurs, répondit Jean en tentant de mettre fin aux critiques.
Le petit groupe se hissait lentement vers le sommet de la colline, avec l’espoir qu’après celle-ci le trajet soit terminé. Jean sentait que ses compagnons remettaient de plus en plus en cause ses qualités de meneur. Il faut dire que cela faisait sept collines qu’après celle-ci le trajet devait s’arrêter. Jean ne comprenait pas pourquoi il avait une si mauvaise représentation de la géographie du coin. Il avait pourtant fait une année de scoutisme vingt ans plus tôt !
En marchant, il essayait de comprendre à quel moment leur journée avait tourné en eau de boudin. Le groupe avait souhaité profiter de ses vacances pour découvrir la région avec un petit défi de longue marche avec un minimum d’équipement. Le patron de l’hôtel avait vanté avec force un guide local, un certain Gérard, qui était en réalité simplement son cousin désargenté.
Ils étaient partis en voiture sur plusieurs kilomètres avant de s’enfoncer à pied dans la forêt. Rapidement, les trois citadins avaient perdu toute notion de leur orientation.
Mais le petit groupe avait aussi remarqué que ce guide n’était pas comme les autres. Il scrutait sa boussole comme on l’aurait fait avec une technologie extraterrestre. À chaque bruit d’oiseau, il sursautait, de crainte, selon ses dires, d’une « volaille vénéneuse ».
Malgré ces étrangetés, le groupe avançait, Gérard ayant promis une cascade sublime. Malheureusement, la sortie de la forêt avait débouché sur le sommet de falaises à pic, sans la moindre goutte d’eau. Ne voulant pas perdre la face, le guide s’était retourné pour leur présenter en improvisant la magnificence de ce paysage. Il était en train de vanter la diversité des plantes lorsqu’il fut emporté par son élan et chuta de plusieurs mètres. Il termina sa course sur un petit promontoire, inconscient.
Les trois amis, après un moment de panique, avaient décidé de partir chercher de l’aide dans le village de destination. Malheureusement, la seule chose qu’ils savaient sur la route à suivre était qu’il ne fallait pas aller dans la direction annoncée par Gérard.
Jean avait décidé d’une direction, car les hommes se devaient d’avoir des convictions – et sont un peu vantards. Marie avait acquiescé, ne voulant pas avoir l’air de ne pas savoir. Marc avait suivi la décision, comme d’habitude.
Cela faisait maintenant plusieurs heures qu’ils avançaient. Arrivés au sommet de la colline, il découvrirent, soulagés et vexés à la fois, qu’ils avaient simplement fait un détour en boucle pour revenir à la voiture. Les talents de meneur de Jean furent sérieusement remis en cause. Gérard fut secouru et ne guida plus que les clients jusqu’à leur chambre. Quant aux trois amis, le goût des aventures repartit aussi vite qu’il était arrivé.