Augustin Mistival avait toujours eu une certaine opinion de sa personne. Il prenait grand soin de son aspect extérieur, non pas pour paraître agréable, mais parce qu’il considérait comme un devoir d’entretenir une telle perfection de la nature. Quant à son intelligence, qui dans les faits était en niveau des platitudes, il la voyait comme côtoyant les plus hauts sommets.
Il tenait également à faire profiter le plus de personnes possible de la proximité de son esprit et de son corps. Il tenait ainsi rubrique dans divers canards et allongeait les soirées en agitant sa bouche à tout bout de champ.
Quant à ses conquêtes féminines, il s’attachait à agrandir régulièrement sa collection et n’oubliait jamais de s’en vanter haut et fort, avec l’assurance et la fierté d’un coq criant dès l’aurore. Avec aussi autant d’intelligence et de subtilité que le gallinacé, d’ailleurs.
Sa prochaine conquête devait être Sylvia. Une jeune femme qui semblait bien trop ingénue pour ne pas succomber aux charmes de notre séducteur. La liste de ses formidables exploits devait suffire à la faire chavirer.
Mais la jeune femme connaissait mieux que prévu ses frasques. Elle décida d’entretenir une correspondance avec ce prétendant entreprenant. Sauf que les courriers de ce dernier étaient discrètement redirigés vers la boîte aux lettres d’une des connaissances de Sylvia. Une pauvre femme qui ne devait jamais avoir vu le loup, sans doute car ce dernier avait eu peur en s’approchant. Ces missives enflammées redonnaient espoir à cette pauvre désespérée.
Après quelques semaines, Sylvia décida que l’attente avait assez duré, elle proposa un rendez-vous à son correspondant, en donnant l’adresse de la délaissée.
Augustin se précipita au rendez-vous donné, ne pouvant que croire à sa victoire finale sur les résistances de Sylvia. À peine était-il entré, que la porte se referma derrière lui, le coinçant dans l’appartement avec une apparition qui fit chuter sensiblement son excitation.
Face à lui, surgissait une sorte d’ogre, formé d’un amas de graisse d’où semblait sortir une multitude de ventres et de mamelles indistinguables. Le tout trônait sur deux poteaux aussi larges en haut qu’en bas. Deux bras s’échappaient et agrippaient le pauvre homme comme s’il avait eu affaire à une pieuvre. Ses tentacules le plaquaient contre des lèvres gloutonnes.
Les corps se mêlèrent dans des bruits indescriptibles. De l’autre côté de la porte, tendant l’oreille, Sylvia écoutait avec satisfaction le pauvre homme se débattre entre deux assauts de la masse de graisse. Dans un moment de silence, elle se tourna vers la paroi et cria : « N’aie aucune crainte, tout le monde connaîtra tes exploits de conquêtes ! »
Bien écrit, mais à mon sens un exemple assez désolant de grossophobie…